La hausse des possibilités de mobilités individuelles et collectives depuis le début du XXe siècle, portée par des innovations techniques majeures, la démocratisation des infrastructures et des moyens de transport de masse, a nourri la valorisation du mouvement et de la mobilité dans les imaginaires des sociétés occidentales. Ceci a favorisé une décorrélation entre le territoire d’origine, le territoire de vie et le territoire rêvé.
Ces discours ont été fortement renforcés par les promesses des outils numériques : abolition de la distance physique par les télécommunications, importance donnée à la rapidité (voire l’immédiateté) des échanges et interactions, voire ubiquité. Les outils numériques réinterrogent le rapport à l’espace et au temps, en promettant de remplacer la logique de proximité physique par celles d’accessibilité et d’affinité.
Cette généralisation de la mobilité physique et numérique nourrit, à l’échelle de l’Occident, l’idée d’une planète plus accessible et donc connue. Qu’importe que les lieux emblématiques, comme les grandes capitales ou les lieux de culte célèbres, soient décontextualisés ou les caractéristiques culturelles simplifiées à l’extrême, cela n’en empêche pas moins cette impression de plus grande familiarité avec le monde. Cette dernière est, au-delà de la valorisation de la vitesse, nourrie par plusieurs éléments comme la possibilité d’avoir des informations en temps réel sur de nombreuses parties du monde, celle de communiquer avec un grand nombre de personnes indépendamment de leur éloignement géographique ou encore la démocratisation de l’accès à des produits de consommation, culturels, etc., issus de différents pays et continents.
Cette circulation inédite des informations a des conséquences majeures sur la manière dont les Occidentaux se représentent les territoires planétaires. Tout d’abord, elle stimule dans certaines franges de la population un sentiment croissant d’appartenance à une seule et même planète, et donc l’idée de destinée commune, exacerbés par la prise de conscience des grands enjeux globaux : changement climatique, dégradations environnementales, risque sanitaire… Elle favorise aussi l’essor de mouvements internationaux visant justement à défendre certaines causes apparaissant comme mondiales : protection de l’environnement, défense des droits des migrants, lutte contre les discriminations…
Mais, parallèlement, une déconnexion progressive s’est opérée entre les territoires de vie et les espaces dont ces derniers dépendent pour fonctionner : les modes de vie modernes et les besoins associés (alimentation, biens matériels, énergie, etc.) sont ainsi de plus en plus dépendants d’autres espaces géographiques que celui des pays occidentaux à proprement parler, sous l’effet de l’internationalisation des échanges et des chaînes de valeur.
En outre, les dégradations climatiques et environnementales bouleversent les relations individuelles et collectives aux territoires : directement, en rendant une part croissante de territoires plus hostiles voire déjà inhabitables pour certaines espèces animales et végétales, et indirectement, en remettant en cause les imaginaires très positifs de conquête de l’humain sur son environnement. À l’avenir, les sociétés occidentales privilégieront-elles toujours les réponses technologiques et expansionnistes à ces enjeux : conquête et privatisation de nouveaux territoires ; recherche d’alternatives à la mobilité thermique sans remise en cause des déplacements ? Ou, au contraire, donneront-elles la priorité au recentrage et au ralentissement, aussi bien dans les déplacements que dans les imaginaires : remise en cause du tourisme international, logique de « démobilité », valorisation de la proximité et des spécificités locales ?
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