Selon de nombreuses analyses [1], l’évolution de la structure des emplois serait marquée par une augmentation des emplois les plus qualifiés et les moins qualifiés, au détriment des qualifications intermédiaires ou moyennes. Ces théories « binaires » s’appuient sur des études internationales et nationales, et contestent les thèses qui tentent d’établir des catégorisations sociales moins tranchées.
Ces théories sont marquées par des représentations approximatives ou idéologiques du travail, et des interprétations biaisées des nomenclatures statistiques de l’emploi, dont elles sous-estiment, au niveau international, l’extrême bigarrure.
Tenter d’appréhender l’évolution de la structure des emplois renvoie à plusieurs critères plus ou moins objectivables qui ne convergent pas toujours. En effet, la hiérarchie des activités professionnelles relève d’une construction sociale et culturelle qui peine à entrer dans les catégorisations statistiques rigides et stables. Rappelons qu’aux États-Unis, les métiers de la construction bénéficient d’une image positive alors qu’en France, ces mêmes métiers sont dévalorisés et, de fait, moins bien rémunérés.
Pour toutes ces raisons, les statisticiens sont confrontés à une tension entre le souci d’une permanence des définitions des emplois (afin d’établir des tendances de moyen terme) et l’accélération, voire la diversification, des transformations du travail qui relèvent d’éléments composites qui rendent difficiles des affirmations unilatérales fondées sur un seul prisme. La moins mauvaise façon d’apprécier le contenu des activités professionnelles demeure l’analyse du travail réel en termes de compétences. Or ces études sont le parent pauvre des investigations sur l’emploi, d’une part parce qu’elles objectivent des éléments qui remettent en cause des constructions sociales favorables aux pouvoirs établis et aux différents types de corpor...