Un sondage réalisé auprès de parents d’élèves sur les trajets domicile-école en 2020 a révélé qu’en France, dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, 97 % des élèves d’élémentaire sont accompagnés pour se rendre à l’école et 77 % de ceux du collège. Une autre étude souligne la diminution du temps passé dehors par les enfants : de trois à quatre heures par jour dans les années 1960, on est passé en 2021 à 47 minutes en moyenne, dont 29 minutes de manière autonome [1]. Ces chiffres éloquents illustrent la disparition progressive des enfants de l’espace public et la diminution des sorties autonomes (sans parent ni nounou) chez les enfants, particulièrement remarquables dans les grandes agglomérations. Cette note a pour ambition d’expliciter les causes de cette disparition et d’envisager les trajectoires possibles s’agissant de la présence — ou non — des enfants dans l’espace public des grandes villes demain.
L’éloignement des enfants de la rue est le fruit de plusieurs facteurs en cours depuis les années 1980 :
• L’urbanisation et la disparition progressive des friches urbaines ont réduit la taille des espaces de jeu disponibles pour les enfants. La place centrale de la voiture dans les politiques urbaines, considérée comme un danger pour les enfants aux yeux des parents, a également une incidence négative sur le temps passé dehors par les enfants. La voiture est aussi le moyen de déplacement privilégié par les parents pour effectuer des trajets courts — par exemple pour amener les enfants à l’école —, remplaçant de fait la marche à pied.
• Sous l’effet de la montée de l’insécurité (vécue ou ressentie) depuis les années 1980, les enfants voient leur terrain de jeu extérieur se réduire. La médiatisation des affaires de pédocriminalité notamment (affaires Émile Louis, Marc Dutroux, Michel Fourniret, etc.) contribue à associer l’espace extérieur au danger chez les parents, réduisant de fait les sorties des enfants. Cette impression est corroborée par des enquêtes de l’INSEE qui montrent que le sentiment d’insécurité [2] dans les grandes agglomérations est élevé et stable entre 2010 et 2019, autour de 20 %. Ce sentiment d’insécurité peut expliquer la réticence des parents à laisser les enfants jouer seuls dehors, voire la volonté des parents de p...