Depuis quelques années, la question millénaire du partage des sols entre différentes catégories d’usages et d’usagers est revisitée par la prise de conscience du rôle fondamental que jouent les sols dans la gestion des dérèglements écologiques et climatiques. En effet, selon le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), plus de 70 % de la surface terrestre libre de glace est occupée par l’activité humaine. Un quart est déjà dégradé par cette occupation et celle-ci est fortement émettrice de gaz à effet de serre (GES) : l’exploitation forestière et l’agriculture représentent directement 23 % des émissions, chiffre qui monte à 30 % si l’on ajoute les activités connexes (intrants, transports, transformation…). Les dérèglements climatiques (précipitations, inondations, vagues de chaleur, sécheresses…) tendent par ailleurs à aggraver la dégradation des sols, avec des menaces évidentes sur la sécurité alimentaire.
Les relations entre les deux phénomènes peuvent également être positives. Grâce à leur couvert végétal et boisé, les sols absorbent près de 30 % de la totalité des émissions humaines de CO2. Ce rôle est cependant menacé par les activités humaines. Il est donc vital pour l’humanité d’enrayer la dynamique qui conduit le climat et les sols à se dégrader mutuellement.
Les problématiques liées au sol sont, de fait, devenues de plus en plus complexes et interconnectées, et concernent une grande diversité d’acteurs publics et privés : comment passer des approches sectorielles classiques de la gestion des sols (agriculture, urbanisme, transports, énergie…) à des approches transversales ? Comment limiter l’artificialisation des sols et arbitrer entre les différents besoins dans une logique de durabilité ? Quelle place pour les politiques publiques et pour les lois du marché dans l’accès à la terre ? Quelles tensions entre priorités de court terme et stratégies de plus long terme ?
La prise de conscience de ces défis, à leur juste mesure, est très récente. La gestion des sols devrait donc, au cours des prochaines décennies, faire l’objet d’une intense course-poursuite entre les problèmes, les solutions et les stratégies.