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Les salariés : nouveaux garants de la RSE ?

Le 4 avril dernier, Google est forcé de dissoudre, une semaine seulement après l’avoir formé, le comité éthique supposé garantir le développement responsable d’une intelligence artificielle au sein de l’entreprise. Constitué de huit membres, cet Advanced Technology External Advisory Council (ATEAC) devait se réunir quatre fois par an. Il n’a pas tenu plus de quelques jours face à la levée de boucliers de personnalités du monde académique, de l’industrie et des employés eux-mêmes. Plus d’un millier de personnes se sont ainsi insurgées contre la constitution de ce panel, exigeant notamment la démission de l’un des membres, la présidente de l’Heritage Foundation, Kay Coles James. Connue pour ses opinions homophobes et racistes, et son scepticisme vis-à-vis du changement climatique, cette dernière ne semblait pas pouvoir garantir la transparence et l’objectivité attendues dans le domaine [1]. La présence du PDG d’une entreprise de drones a aussi ravivé les vieilles divisions au sein de la compagnie, concernant son degré d’implication dans les affaires militaires nationales [2].

Ce n’est pas la première fois, en effet, que Google se heurte à une forte opposition interne et externe, au moment de prendre des décisions cruciales pour le groupe. En juin 2018, confrontée à la colère de 4 000 employés l’accusant de devenir une industrie militaire, la compagnie a ainsi dû renoncer à poursuivre le projet Maven, un programme piloté en partenariat avec le département de la Défense américain. Il devait servir à multiplier les usages de l’intelligence artificielle et du machine learning au sein de l’armée de l’air en mettant à profit le savoir-faire de Google. Une dizaine d’employés ont même démissionné pour protester [3]. Quelques semaines plus tard, une centaine d’étudiants de Stanford et du MIT ont eux aussi rédigé un manifeste déclarant qu’ils refuseraient toute offre d’emploi de Google si jamais la compagnie n’abandonnait pas le contrat [4]. Autre exemple, en novembre 2018, des milliers d’employés s’étaient rassemblés pour manifester contre la politique de la compagnie en matière de harcèlement sexuel, jugée injuste, obligeant cette dernière à adapter ses mécanismes internes de signalement [5]. Dans les deux cas, les manifestants ont donc obtenu gain de cause.

Google n’est pas la seule entreprise de la Silicon Valley à faire face à des employés qui hésitent de moins en moins à exprimer leurs opinions. Hautement qualifiés, issus de formations technologiques très prisées par les industries du numérique, ces derniers sont à la fois mieu...