Deux thèses aujourd’hui s’opposent sur la place des religions : celle de Samuel Huntington suivant laquelle des différences durables existeraient entre les civilisations chrétienne, islamique, confucéenne et autres qui, tôt ou tard, conduiraient inéluctablement vers des conflits ; celle selon laquelle les processus de modernisation et de postmodernisation se traduiraient par des changements culturels généralisés, une certaine convergence des valeurs en dépit des différences religieuses d’origine.
Jean Joncheray, s’appuyant sur un article de Ronald Inglehart, montre d’abord que ces deux thèses ne sont pas aussi incompatibles qu’il y paraît, ne fût-ce qu’en raison de la » tolérance croissante de la diversité « . Puis, s’intéressant plus particulièrement à la situation du christianisme en Europe, il se demande toutefois si celui-ci ne serait pas » la religion de la sortie de la religion ». En effet, reprenant ici les arguments de Marcel Gauchet, il montre que – en renonçant à imposer la vérité par la force -, les chrétiens auraient ouvert la voie vers les droits de l’homme, la liberté de conscience et donc, pour une part, vers le déclin de la religion.
Mais les choses ne sont pas aussi simples et l’auteur finalement esquisse trois scénarios possibles pour le catholicisme en France :
– celui du » repli identitaire » dans lequel se réfugierait une petite minorité de catholiques pratiquants ;
– celui de la « réduction culturelle » qui serait marquée par le fait que la culture française demeurerait imprégnée de valeurs chrétiennes, celles-ci faisant partie du « patrimoine historique diffus » de notre société ;
– celui de » renouvellement de l’approche croyante » qui résulterait d’une société démocratique, pluraliste et laïque cherchant à se redoter de valeurs communes à caractère humaniste.
L'avenir du christianisme en France
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 260, janvier 2001