La Sécurité sociale, née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est célébrée, avec l’Éducation nationale, comme un élément central du pacte républicain, de notre identité collective et de notre « modèle social ». Elle a permis l’accès pour tous au progrès médical, des pensions dans des conditions matérielles améliorées et un accompagnement étroit des familles et des enfants.
La Sécu était sans doute parfaitement adaptée à la société de consommation des années 1960-1970, à l’ère des usines Renault et des carrières en CDI (contrat à durée indéterminée) à temps plein et dans la même entreprise, et à l’époque de la médecine hospitalo-universitaire triomphante.
Mais aujourd’hui, à 70 ans, l’âge d’une respectable grand-mère, la Sécu n’est-elle pas obsolète et anachronique, à l’heure de la mondialisation accélérée, de la concurrence exacerbée des grands pays émergents, de la digitalisation et de l’ubérisation de l’économie, de la polarisation du marché de l’emploi, du règne du free-lance et des nouveaux modes de vie et de la consommation collaborative ? Les prélèvements sociaux que la Sécu ponctionne sur l’économie productive et les salaires ne sont-ils pas un boulet qui pénalise l’économie nationale et contribue au sous-emploi de masse et durable ?
Que penser alors de la Sécurité sociale dans 30 ans, quand le Nigeria aura plus d’habitants que les États-Unis et la France pas plus que le Mozambique et le Soudan, l’espérance de vie à la naissance pourrait atteindre 100 ans pour beaucoup, les robots auront remplacé maints ouvriers et employés, la médecine prédictive sera banalisée, les objets connectés seront une réalité quotidienne et l’économie collaborative sera partout ?
Futuribles a souhaité réunir un panorama de points de vue contrastés, rédigés par des experts de différents horizons, pour faire le point sur l’avenir de la Sécurité sociale et tracer ses futurs possibles et ses futurs souhaitables.
Thomas Fatome, le directeur de la Sécurité sociale, nous montre combien la Sécurité sociale d’aujourd’hui est différente de celle de 1945 et a su évoluer. Il explore les défis et les opportunités de la révolution numérique dans toutes ses dimensions. De façon originale, car c’est un point rarement abordé, il évoque aussi les nouveaux services à valeur ajoutée que la Sécurité sociale pourrait, ou devrait, offrir à ses usagers, et qui impliquent une évolution majeure des métiers et des compétences. Concluant à raison sur la nécessité de prudence dans la gestion des finances sociales, il en appelle à une nouvelle frontière de la Sécurité sociale au niveau européen dont on a du mal, à ce stade, à cerner les prémices.
Hugues de Jouvenel, président de Futuribles International, se demande même, au vu de la dette et des déficits, si le temps n’est pas venu de déposer le bilan de la Sécurité sociale. Il prône plusieurs réformes comme la distinction entre dépenses d’investissement et dépenses de réparation, entre assurances collectives et aide sociale, tout en s’interrogeant sur l’impact du big data et de la médecine prédictive.
Enfin, Julien Damon, professeur associé à Sciences Po, conseiller scientifique de Futuribles International et de l’EN3S (École nationale supérieure de la Sécurité sociale), retient l’angle d’un thème qui lui tient à cœur, la simplification, dont il rappelle la double légitimité économique et démocratique. À défaut d’un revenu universel, dont le caractère utopique ne lui échappe pas, il suggère l’unification des bases ressources des différentes prestations et l’interopérabilité, l’interconnexion des différents systèmes d’information et la mise en place d’un véritable guichet unique, one stop shop. Mais comme c’est compliqué de simplifier !
La contribution de Thomas Fatome