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La planète au pillage (1948)

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 355, septembre 2009

Le livre dont est extrait cet article a été publié en 1948, alors que le monde pansait encore les plaies de la Seconde Guerre mondiale. Albert Einstein en fit ce commentaire : « On sent d’une façon aiguë, en le lisant, la futilité de la plupart nos querelles politiques comparées avec les réalités profondes de la vie. »
L’auteur, Fairfield Osborn Jr, est le fils d’un grand paléontologue américain auquel on doit, en particulier, la découverte du Tyrannosaurus rex et celle du Velociraptor. Il fut lui-même un naturaliste éminent qui présida la New York Zoological Society – devenue, sous le nom de Wildlife Conservation Society, une importante organisation non gouvernementale qui se consacre à la protection de la nature.
Cet ouvrage – traduit et publié en français par les éditions Payot dès 1949, réédité par Actes Sud en 2008 – témoigne d’une prise de conscience du problème global que pose la cohabitation de l’homme avec les formes de vie qui peuplent la planète. Il précède de 14 ans le célèbre « printemps silencieux » de Rachel Carson.
À la différence de la plupart des auteurs contemporains, Osborn place en première ligne le phénomène démographique, la pullulation de ceux qu’il appelle les « enfants de la Terre ». Il pose ensuite le problème de la guerre, relevant qu’elle est le propre de l’homme – sauf à descendre à ce qu’il appelle « des formes inférieures de la vie animale » comme les fourmis. Il condamne l’idée que – toute dimension éthique mise de côté – la guerre puisse être un outil de régulation de la démographie mondiale. Le terme qu’il utilise pour caractériser l’action de l’homme, « une nouvelle force géologique », annonce le néologisme proposé par Paul Crutzen pour caractériser notre ère : l’anthropocène.
Naturellement, certains éléments du tableau lui échappent, soit que leur importance ne soit pas encore reconnue, comme l’altération du climat par les gaz à effet de serre, soit que leur proximité ne soit pas encore menaçante, comme l’épuisement des réserves pétrolières. Mais d’autres sont identifiés avec lucidité : la mondialisation qui n’avait encore atteint l’intensité que nous lui connaissons aujourd’hui et qui rend chaque nation « plus ou moins dépendante de toutes les autres » ; les problèmes de ressources alimentaires qui nous confrontent aux limites des terres productrices, car l’homme ne se nourrit que du vivant.
Aussi en arrive-t-il à la conclusion que la technique, quels que soient ses progrès, ne nous évitera pas la nécessité d’une profonde transformation de nos comportements collectifs, qui conduise à un équilibre durable avec la nature.
*Extrait de La Planète au pillage (Arles : Actes Sud [Babel n° 931], 2008, 240 p. / Paris : Payot, 1949), traduction française de Our Plundered Planet. Boston : Little Brown, 1948.

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