Ce livre est un essai interprétatif du mouvement des « gilets jaunes », considéré comme symptomatique du rapport des Français à la politique. C’est ce qu’exprime le titre du livre : ce mouvement est une « matière noire » révélatrice des structures de la société politique, invisibles sans analyses de science politique, à l’image de la matière noire que les astronomes postulent pour expliquer les structures de l’Univers. Si ce titre traduit une belle ambition, il insinue aussi une vision négative du devenir démocratique. Et c’est bien une thèse pessimiste que défend l’auteur.
La mise en perspective du mouvement des gilets jaunes semble exagérée, l’auteur le considérant comme une insurrection comparable à la Révolution française de 1789 et à l’émeute ouvrière de juin 1848. Le mouvement serait beaucoup plus porteur que Mai 1968, traduisant une contestation de la démocratie représentative. Même si le mouvement n’a pas réuni des foules considérables, il a en effet été très populaire parmi les Français et le demeure en partie. Est-il pour autant un « événement politique central dans le cours de la Ve République » (p. 38) ?
Ce mouvement spontané traduit une « lutte des classes inconsciente », ne s’appuyant pas sur une idéologie politique constituée, mais exprimant un besoin de reconnaissance et une critique radicale de la politique libérale mondialisatrice. De ce fait, le président Emmanuel Macron, qui incarne cette remise en cause de l’État social, est très...