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Euro. Par ici la sortie ?

Analyse de livre

Il arrive que les éditeurs imposent aux auteurs des titres très accrocheurs qui ne reflètent ni leur pensée ni même le contenu de leur ouvrage. Ce pourrait être le cas de celui-ci, la lecture de la table des matières n’étant pas exempte de raccourcis, comme par exemple « La grande illusion du marché unique » ou « Le poison du dogmatisme ».

ARTUS Patrick, VIRARD Marie-Paule, « Euro. Par ici la sortie ? », Fayard, février 2017, 176 p.

Heureusement, le point d’interrogation qui figure à la fin du titre indique que tout n’est peut-être pas consommé pour la zone euro. À vrai dire, la provocation des titres aurait tendance à nous faire douter de la qualité des analyses, les auteurs ayant toutes les qualifications requises pour cela : une excellente culture économique et une longue expérience dans l’observation des évolutions en cours. L’ouvrage est donc intéressant, moins par le diagnostic que par ses propositions.

Voici maintenant quelques années que beaucoup d’ouvrages se laissent aller à une critique parfois sans nuance de la construction européenne. Si l’exercice est nécessaire, il doit distinguer de l’ensemble de l’évolution économique les effets spécifiques du marché unique et de l’union monétaire imputables aux institutions communautaires.

À force d’attribuer tous les maux du présent à « Bruxelles », comme le font depuis des années la presse europhobe britannique et ses disciples populistes, on finit par perdre de vue un certain nombre de réalités. L’évolution globale du monde au cours des trois dernières décennies a entraîné une ouverture économique et des conséquences sociales dont l’Union européenne (UE) n’est qu’en partie responsable, ce que reconnaissent les auteurs, mais seulement à la page 137.

Ils auraient aussi pu signaler que des politiques parfois violentes de privatisation et d’amoindrissement des services publics, sinon d’austérité, ont été menées dans de nombreux pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui n’appartiennent pas à l’UE, dont le rôle particulier mériterait d’être mieux analysé dans un processus qui a concerné presque tous les pays développés.

Une fois de plus, diaboliser la bureaucratie européenne est une facilité courante, mais assez peu convaincante. En vérité, la frénésie normative qu’on lui reproche est partagée par les autres niveaux de gouvernement. Pour de bonnes (la sécurité routière, la lutte antitabac) et de moins bonnes raisons, les décideurs locaux, régionaux ou nationaux ont aussi accentué les contraintes sur la vie des citoyens et multiplié les réglementations. Cela n’excuse pas les errements des « eurocrates », mais permettrait à l’opinion de mieux juger leur action. Il en va de même du souhait de limiter les prérogatives de la Commission « à quelques dossiers clés » (p. 165) : qui fera le travail d’élaboration des propositions et d’exécution des décisions du Conseil et du Parlement ?

Ceci étant dit, cet ouvrage a le grand mérite de montrer à quel point il serait dangereux de sortir de la zone euro (la publication étant antérieure à l’élection présidentielle française) et conclut sur cinq propositions qu’il serait bien utile de mettre en pratique : dans la zone euro, la coordination des politiques économiques, une dose adéquate de fédéralisme, la restauration de la mobilité du capital, des projets concrets et des mesures pour enrayer la paupérisation de la classe moyenne.

S’agissant du fédéralisme, dont les auteurs reconnaissent à juste titre la nécessité, évaluer ses chances à presque zéro, notamment en raison des réticences de l’Allemagne, qui pratique elle-même un fédéralisme exemplaire est peut-être pessimiste, comme le jugement négatif qu’ils donnent du couple franco-allemand : ce n’est pas parce que les deux présidents précédents ne sont pas parvenus à le faire fonctionner qu’il est définitivement mort.

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