Futuribles a plusieurs fois fait écho à des analyses fouillées portant sur certains discours en lien avec la science et la technologie, et l’instrumentalisation qui peut en être faite. Ainsi Antonin Pottier présentait-il dans ces colonnes, fin 2011 (n° 380), une analyse du discours climato-sceptique et de la façon dont celui-ci s’articulait pour permettre à ses artisans de défendre des intérêts sans lien direct avec la réalité scientifique du réchauffement climatique. De même, Pierre-Benoit Joly montrait-il comment certaines grandes entreprises s’y prenaient pour instrumentaliser les discours et les normes réglementaires en lien avec le développement durable, afin de légitimer certaines voies de recherche contestées (n° 383).
Dans le présent article, Alexandre Moatti s’intéresse pour sa part au discours de certains mouvements d’ultragauche à l’égard de la science et du progrès technique. Il montre ainsi comment ces groupuscules, ayant fait de la science leur nouvel ennemi (à l’instar sinon à la place du capitalisme économique), développent une idéologie très hostile à la science – perçue comme une cause d’asservissement des consciences -, induisant une relecture de l’Histoire pour le moins contestable. Cette vision très négative de la science et du progrès n’est pas nouvelle : il y a toujours eu et il y aura sans doute toujours des mouvements rétifs à l’égard du progrès scientifique, qui permettent aussi de discuter, sur le fond, des vertus et limites de ce progrès – et il le faut. Mais l’écho médiatique, accompagné d’une certaine bienveillance de l’opinion, dont bénéficient divers types d’actions menées par cette mouvance, incite à regarder de plus près le discours qu’elle promeut et, sans doute, à faire preuve d’une certaine vigilance.