Dans un article rédigé pour la revue TAF (Travailler au futur), Michel Héry et Marc Malenfer, en charge de la prospective à l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) se servent de trois études menées pour l’INRS [1] pour imaginer le monde du travail post-Covid-19.
Les deux auteurs se placent en 2029 et expliquent que depuis la crise du coronavirus en 2020, la France a été confrontée à plusieurs crises épidémiques sur son territoire et a appris à vivre dans un état d’alerte sanitaire permanent. Ce contexte a eu plusieurs conséquences sur le monde du travail :
– Une relocalisation des activités stratégiques (et notamment des activités pharmaceutiques), capables de faire tourner le pays a minima. Ce retour de certaines activités de production de médicaments pose des problèmes en matière de protection de la santé des salariés. Par exemple, la production de paracétamol peut libérer du benzène qui est un produit cancérigène.
– Le développement des activités à distance, soit dans le cadre du télétravail, soit avec le développement du statut de travailleur indépendant, qui a connu un bond à la suite de la crise du Covid-19. Certaines entreprises n’envisagent plus que le recours à des travailleurs indépendants pour certaines fonctions, afin d’éviter que leur organisation soit trop bousculée en temps de crise.
D’un côté, cette plus grande flexibilité permet au travailleur d’être moins dépendant de son implantation géographique pour travailler, mais la dégradation des conditions de travail a été la contrepartie de cette transformation. En effet, le développement du travail à distance a eu pour effet de mondialiser le marché du travail, mettant en concurrence les travailleurs des différents pays, conduisant à un nivellement par le bas des systèmes de protection sociale. Par ailleurs, l’équilibre vie privée / vie professionnelle peut être plus délicat à trouver, surtout si on doit être joignable à toute heure. Les travailleurs à distance peuvent également développer de nouvelles formes de pathologie liées au stress, à de la fatigue visuelle, etc.
– Le développement du statut de travailleur indépendant, adopté volontairement par toute une partie de la population préférant vivre les périodes d’isolement en zone semi-rurale, a favorisé le développement de la bi-activité : l’activité professionnelle classique doublée d’une activité complémentaire qui n’a bien souvent rien à voir avec la première (tourisme, activité agricole, etc.).
– La fermeture de frontières et les restrictions temporaires de déplacement étant devenues monnaie courante, tous les secteurs d’activité ont eu l’obligation de s’organiser pour développer une logique de stock. Désormais, toutes les entreprises de production sont obligées de disposer de stocks leur permettant de poursuivre une activité normale pendant six mois.
– La crise du Covid-19 de 2020 a eu pour conséquence de favoriser le développement de la robotisation dans les usines (production et stock), afin de permettre de poursuivre l’activité en cas de crise tout en maintenant la distanciation sociale. De la même manière, dans les supermarchés, les emplois de caissier ont quasiment disparu au profit des caisses automatiques.
– Sur la période 2020-2029, l’impression 3D a connu un boom sans précédent, permettant une production réactive et décentralisée. De nombreux fablabs ont vu le jour dans ce domaine et permettent, en cas de besoin, de s’affranchir de nombreuses contraintes comme la gestion des stocks ou le transport de marchandises.
– Toujours dans la même optique de faire face au risque de pénurie, le secteur de l’économie circulaire s’est fortement développé en France, avec la mise en place de nombreux ateliers de réparation (fin de l’obsolescence programmée) et le développement d’activités de tri, de démontage et de collecte.
[1] Les trois études sont les suivantes : Utilisation des robots d’assistance physique à l’horizon 2030 en France ; Travailler en bonne santé en 2040 et Plateformisation 2027. Disponibles en ligne : http://www.inrs.fr/inrs/prospective-quel-travail-demain.html