Voici trois futurs possibles, trois futurs non exclusifs et compatibles entre eux, mais la réalité de demain sera sûrement faite d’autres possibles ! Nous sommes en 2025, dans 10 ans seulement.
Incredible China!
La double annonce faite par les autorités chinoises en ce mois caniculaire et surpollué d’août 2025 a de quoi glacer le sang d’un bon nombre d’acteurs du marché des transports :
– interdiction de circulation dans les grandes métropoles pour tous les véhicules non électriques ;
– interdiction de circulation dans les grandes métropoles pour tous les véhicules conduits par des humains.
Autrement dit, pour rouler dans des villes comme Pékin ou Shanghai, il faut être une « voiture » électrique et autopilotée. Les enjeux sont multiples :
– réduire la pollution, les taux de mortalité en hausse ainsi que les protestations de la société urbaine ;
– être en mesure d’accueillir la prochaine COP31 d’ici cinq ans tout en incitant l’Inde à prendre des mesures similaires très rapidement ;
– se positionner en leader de la robotisation urbaine, attirer les industriels du monde entier, et placer sur l’Europe et les États-Unis une certaine pression.
Pour la mise en œuvre de cette décision forte, c’est la phrase de Deng Xiao Ping, « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir pourvu qu’il attrape les souris », qui fait office de stratégie. L’important est d’arriver au résultat escompté quels que soient les acteurs et leur façon de faire.
Pour autant, la seule obligation donnée à ces acteurs est d’utiliser le blockchain chinois [1]… La Chine veut effectivement tenter de garder une forme de contrôle et il est devenu possible de le faire en limitant les usages à la mobilité, qui plus est à l’intérieur de la Chine. Alibaba [2] et Baidu [3] ont rapidement fait alliance pour développer un premier robot taxi (sur le principe de la voiture sans chauffeur [4]). Le gouvernement a pour cela mis en œuvre, en six mois, un territoire d’expérimentation sous la forme d’une « ville vide » pour valider des systèmes d’exploitation de robots. Et bien sûr, tous les constructeurs ont ouvert un centre dans ce territoire. La Chine a ainsi réussi l’alliance d’un blockchain privé et d’une cohorte de « robotaxis » avec des développements potentiels dans la plupart des mégalopoles d’Asie et d’Afrique, en commençant par le Nigeria.
Google AutoDroid
Après le premier partenariat conclu entre Alibaba et Baidu dès 2019, la course à la masse critique de clients et celle qui consiste à réunir le maximum de fonds pour l’exploration de l’espace s’accélèrent. Cela amène les deux mastodontes que sont Google et Tesla à fusionner. L’AutoDroid, version d’Android destinée aux véhicules roulants, s’impose comme standard de fait et devient la norme mondiale, talonné par l’Apple Car [5] partie sur ce marché un peu plus tardivement.
Uber, déjà racheté par Google en 2018, est devenu une marque commerciale ayant acquis plusieurs dizaines de milliers de robots [6]. Les conséquences ne sont pas anodines pour le secteur des transports. Les robotaxis se propagent à grande vitesse dans plusieurs villes en offrant des trajets à très faibles coûts grâce à la publicité [7]. Pendant 10 % à 20 % du temps de trajet, des écrans publicitaires sont diffusés tant à l’intérieur de la voiture qu’à l’extérieur. Les gains énergétiques étant supérieurs à 80 % [8], faire rouler des robotaxis ouvre des droits « carbone » pour les villes qui les mettent en place, réduisant d’autant plus l’espace pour l’automobile à conduite humaine. Seules les zones rurales échappent encore à cette mutation. La production automobile s’effondre et la valeur se déplace de l’objet vers le gestionnaire de la flotte, et surtout vers le « dataire [9] », celui qui possède les téraoctets de données générées par la circulation des drones.
Google a réussi, non pas à faire circuler des humains, mais à mettre à jour ses millions de kilomètres de carte de façon automatique par des robots. Le combat des cartes devient plus que jamais une lutte stratégique majeure. La mobilité n’est finalement pour lui qu’un coproduit.
L’Europe ubérise Uber avec CarChain
Il ne fallait pas lutter contre Uber, il fallait simplement inventer quelque chose de plus attractif pour les utilisateurs… Comme les taxis dans les années 2015, en 2025 les chauffeurs d’Uber sont en grève, ils paralysent les grandes capitales européennes – Paris, Madrid, Rome, Bruxelles – et en appellent au gouvernement européen. « Ce n’est pas normal, ils nous prennent nos emplois. Maintenant avec CarChain, tout le monde peut rouler sans chauffeur. Ce n’est pas légal ! »
Les initiatives nationales [10] avaient toutes échoué et c’est sous l’impulsion de citoyens connectés et hackers, européens et russes, que CarChain naquit. Réunis autour du projet « Voitures citoyennes », ils utilisent une évolution du blockchain [11] autour de Vitalik Buterin, fondateur d’Ethereum :
« Selon Vitalik Buterin, une application covoiturage doit répondre à quatre fonctions de base. Premièrement, elle doit permettre aux passagers de publier des demandes. Ensuite, elle doit être équipée d’un mécanisme qui filtre ces demandes, et de systèmes de paiement et de notation.
« Une société de transport basée sur Ethereum n’a pas besoin d’effectuer toutes ces tâches. Un développeur peut créer l’interface, un autre le système de paiement, tandis qu’un autre conçoit le système de GPS. Grâce à des contrats cryptés entre l’utilisateur et les développeurs, chacun de ces programmes pourrait construire un ensemble cohérent, beaucoup moins cher que les services existants.
« Quand un conducteur est à la recherche d’un passager, le logiciel client du conducteur pourrait proposer une fonction de coût, comme « préfère trajets qui commencent plus proche de moi ». À ce moment, « le conducteur publie un contrat crypté sur le blockchain qui peut automatiquement évaluer les demandes d’incitatifs présentés, et après n secondes paye automatiquement une prime de 0,10 dollar US à quiconque fournit trajet le plus favorable », dit V. Buterin.
« Une fois que le contrat du conducteur pour le plus favorable des trajets est payé, le contrat s’autosupprime, et l’information est transmise au conducteur. Tout ou partie de ce calcul pourrait être externalisé. Dans l’exemple Uber décentralisé, il existerait une industrie complètement en libre accès composée de nœuds Uber décentralisés dans le cloud. « Leur seul but serait de chercher des contrats avec des algorithmes de recherche qui déterminent quel trajet permet de maximiser le score avec l’autre. Et V. Buterin dit que dans ce système, quiconque pourrait immédiatement commencer à participer. »
« C’est sur ce principe qu’a été créée La Zooz [12]. La différence entre l’application de blockchain La Zooz, et une à base d’Ethereum est que la première est gérée par trois cofondateurs, tandis que la seconde n’aurait besoin de personne. »
Ce projet soutenu par des fonds européens [13] visait à constituer plusieurs flottes expérimentales de voitures électriques et autonomes dans quelques capitales. Après une première flotte d’ambulances, de nombreuses flottes d’entreprises privées se mirent à utiliser CarChain basée sur OpenSourceMap et Ethereum, puis les grandes métropoles firent de même. Celles-ci reconçoivent entièrement leur système de transport public en faisant évoluer bus, transport à la demande et taxis. Des citoyens adhèrent à des coopératives investissant dans des cohortes de robotaxis CarChain intégrant l’assurance également en blockchain [14]. Ces objets roulants créent, par leur activité, des données collectives majeures en commun concernant la qualité de l’air, la congestion et bien sûr la cartographie. Ceci permet de mettre à jour OpenStreetMap, de l’enrichir plus vite que les voitures de Google ne peuvent le faire pour GoogleMap.
Progressivement, des villes [15] développent des services de mobilité (comme le Honduras [16] et son registre foncier) en utilisant le blockchain. CarChain permet finalement de créer à la fois des solutions de mobilité distribuées et également de nombreux coproduits comme une multitude de données riches, elles aussi capitalisées sous forme de communs. De nombreuses plates-formes exploitent maintenant ces données pour produire divers services aux citoyens. Les sociétés découvrent que la valeur de la donnée est éphémère et qu’elle se révèle a posteriori par l’hybridation avec d’autres données.
Source : cette note est issue du blog Les Transports du futur, 20 juillet 2015. URL : http://transportsdufutur.ademe.fr/2015/07/puis-viendra-luberisation-duber.html. Consulté le 12 octobre 2015. Un premier volet a été publié le 12 octobre 2015. URL : https://www.futuribles.com/fr/base/article/puis-viendra-luberisation-duber-12/
[1] Mainelli Michael et von Gunten Chiara, Chain of a Lifetime: How Blockchain Technology Might Transform Personal Insurance, Londres Z/Yen Group / Long Finance, décembre 2014. URL : http://www.longfinance.net/images/Chain_Of_A_Lifetime_December2014.pdf. Consulté le 13 octobre 2015.
[2] Singh Sarwant, « Move Aside Apple and Google, Alibaba Is Entering the Connected Car Space », Forbes, 2 décembre 2014. URL : http://www.forbes.com/sites/sarwantsingh/2014/12/02/move-aside-apple-and-google-alibaba-is-entering-the-connected-car-space/. Consulté le 13 octobre 2015.
[3] Rochan M., « China’s Baidu Could Introduce an Autonomous Car in 2015 », International Business Times, 10 mars 2015. URL : http://www.ibtimes.co.uk/chinas-baidu-could-introduce-autonomous-car-this-year-1491305. Consulté le 13 octobre 2015.
[4] Sur ce sujet, voir Lamblin Véronique, « Voiture autonome : où en est-on ? » et « Voiture autonome : où va-t-on ? », Analyse prospective, respectivement n° 179, 30 juin 2015 et n° 180, 16 juillet 2015, Futuribles International. URL : https://www.futuribles.com/fr/base/document/voiture-autonome-ou-en-est-on/ et https://www.futuribles.com/fr/base/document/voiture-autonome-ou-en-va-t-on/. Consultés le 13 octobre 2015.
[5] Hoefflinger Mike, « Silicon Valley 4.0: How Apple Will Change Everything (Again) », VentureBeat, 18 juillet 2015. URL : http://venturebeat.com/2015/07/18/silicon-valley-4-0-how-apple-will-change-everything-again/. Consulté le 13 octobre 2015.
[6] Chaykowski Kathleen, « 5 Top VCs Predict the Future », Dell Powermore, mai 2015. URL : https://powermore.dell.com/technology/5-top-vcs-predict-the-future/. Consulté le 13 octobre 2015.
[7] Carson Biz, « This Investor Has an Interesting Theory on What Google will Do With Its Self-driving Cars », Business Insider UK, 1er juillet 2015. URL : http://uk.businessinsider.com/steve-jurvetson-google-free-ride-uber-competitor-with-self-driving-cars-2015-6. Consulté le 13 octobre 2015.
[8] Oldfield Philip, « Electric « Robocabs » Would Reduce US Greenhouse Emissions by 94% -Study », The Guardian, 6 juillet 2015. URL : http://www.theguardian.com/environment/2015/jul/06/electric-robocabs-reduce-us-greenhouse-emissions-94-percent-study. Consulté le 13 octobre 2015.
[9] Ferran Benjamin et Ronfaut Lucie, « Michel Serres : « La question est de savoir qui sera le dépositaire de nos données » », Le Figaro, 13 mars 2015. URL : http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2015/03/13/32001-20150313ARTFIG00159-michel-serres-la-question-est-de-savoir-qui-sera-le-depositaire-de-nos-donnees.php. Consulté le 13 octobre 2015.
[10] « Le gouvernement essaie de faire émerger une solution concurrente des géants américains », Les Échos, 15 juillet 2015. URL : http://www.lesechos.fr/journal20150715/lec2_high_tech_et_medias/021206043891-le-gouvernement-essaie-de-faire-emerger-une-solution-concurrente-des-geants-americains-1137116.php. Consulté le 13 octobre 2015.
[11] Pangburn D.J., « The Humans Who Dream of Companies that Won’t Need Us », Fast Company, 19 juin 2015. URL : http://www.fastcompany.com/3047462/the-humans-who-dream-of-companies-that-wont-need-them. Consulté le 13 octobre 2015.
[12] Voir le premier volet de cette tribune. URL : https://www.futuribles.com/fr/base/article/puis-viendra-luberisation-duber-12/
[13] Prisco Giulio, « D-CENT to Launch Blockchain-Based Digital Social Currencies with €1.9 Million in Funding from the European Commission », Bitcoin Magazine, 12 juin 2015. URL : https://bitcoinmagazine.com/articles/d-cent-launch-blockchain-based-digital-social-currencies-e1-9-million-funding-european-commission-1434139406. Consulté le 13 octobre 2015.
[14] Mainelli Michael et von Gunten Chiara, op. cit.
[15] Voir la levée de fonds pour le projet de George Galloway, « The Mayors Chain », sur StartJoin. URL : https://www.startjoin.com/blockchain
[16] Mbonyy, « Le Honduras développe un registre foncier soutenu par le blockchain ! », Aleny, 20 mai 2015. URL : http://aleny.net/le-honduras-developpe-un-registre-foncier-soutenu-par-le-blockchain/. Consulté le 13 octobre 2015.