Vitale par excellence, l’eau risque d’être au XXIe siècle l’objet d’enjeux majeurs et un facteur limitant fondamental à l’encontre du développement. En témoignent les remarquables travaux du Plan Bleu sur l’avenir du bassin méditerranéen dont sont tirées les perspectives aux horizons 2010 et 2025 ici présentées.
Les ressources en eau sont rares, fragiles et inégalement réparties dans l’espace (86 % au nord du bassin contre 14 % au sud) et entre les populations (plus de 10 000 m3 par habitant en moyenne dans les Balkans contre moins de 100 m3 à Gaza où l’indice d’exploitation atteint déjà 100 %). Elles sont en outre sujettes à des usages conflictuels, par exemple entre les besoins en eau potable domestique – qui ne feront que croître particulièrement au sud et à l’est, là où la croissance démographique et l’urbanisation seront les plus rapides – et les besoins agricoles (irrigation).
Les auteurs examinent d’abord comment pourrait évoluer la demande, en fonction des différents usages, pour montrer que – à ressources naturelles inchangées – même dans l’hypothèse la plus favorable, de nombreux pays seront confrontés dès 2010 – et a fortiori, d’ici à 2025 – à de graves problèmes de pauvreté et de pénurie (la Lybie parvient à un stupéfiant indice d’exploitation supérieur à 2 000 % !). Ils exposent ensuite quelles sont les perspectives en termes d’offre en partant d’un recensement des différentes ressources, renouvelables et non renouvelables, et en examinant quels sont les divers moyens de l’accroître (retraitement des eaux usées, dessalement de l’eau de mer, importations …) pour montrer finalement que leur effet demeurera inévitablement limité et les pénuries inéluctables.
À moins, soulignent enfin les auteurs, d’agir sur un troisième registre impliquant d’une part l’adoption d’une gestion plus économe et efficace des ressources, d’autre part un arbitrage favorisant les usages domestiques au détriment du secteur agricole. Boire ou manger apparaît ainsi comme une alternative redoutable, y compris dans l’heureuse hypothèse d’une gestion concertée pacifique de l’écosystème fragile d’un bassin méditerranéen confronté à d’importantes disparités.
H.J.
Pénuries d'eau prochaines en Méditerranée ?
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 233, juil.-août 1998