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Le désordre mondial

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 452, jan.-fév. 2023

Avec ce premier numéro de 2023, nous adressons à nos lectrices et lecteurs nos vœux les meilleurs pour cette nouvelle année, en formant l’espoir qu’ils trouvent dans Futuribles des matériaux utiles à leurs propres réflexions et actions. Nous y rendons aussi hommage à ceux qui nous ont quittés, tout particulièrement à notre ami et collègue André-Yves Portnoff.

Au moment où nous bouclons ce numéro, l’année 2022 se termine et la scène géopolitique paraît particulièrement confuse, et son avenir rempli d’incertitudes : quelle issue envisager à la guerre engagée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine, sinon contre l’Occident ? Quelle marge de manœuvre conservera la Maison Blanche avec une majorité républicaine arrivant à la Chambre des représentants (situation similaire à celle du président Lula da Silva avec un Congrès de droite au Brésil) ? Quel impact aura sur le pouvoir des ayatollahs la révolte populaire suscitée par la mort de Mahsa Amini, et celle des Chinois contre la politique très stricte de Xi Jinping contre la Covid ? Quel avenir pour l’Europe vulnérable, dont les frontières sont contestées ? Et pour une planète qui vient de franchir le cap des huit milliards d’habitants, dont l’équilibre s’avère de plus en plus menacé et les sommets internationaux si impuissants ?

Dans ce numéro de Futuribles, une attention particulière est accordée à la Chine qui, en quelques décennies, grâce à une alliance inattendue entre les forces du marché et le dirigisme étatique, s’est hissée au rang des grandes puissances et qui, sous la présidence confortée de Xi Jinping, ambitionne d’accéder au leadership mondial. L’article de François Chimits, tout en rappelant les performances exceptionnelles du pays, notamment au plan économique, montre que celui-ci est aujourd’hui confronté à plusieurs défis internes : démographiques, liés au vieillissement de sa population ; économiques (passer de la priorité à la « croissance quantitative » à une croissance « de qualité » et juguler son insoutenable dynamique d’endettement) ; et sociaux (mettre fin à l’enrichissement personnel des dirigeants et promouvoir les classes moyennes, notamment en établissant un système de sécurité sociale). Soulignant que « l’histoire moderne n’offre pas d’exemple dans lequel l’innovation de pointe et de masse ait eu durablement lieu dans un environnement illibéral, où l’information n’est pas librement disponible, où l’ouverture sur le monde est étroitement surveillée et les mentalités contraintes par les injonctions politiques », François Chimits s’interroge sur la capacité de la Chine à s’ouvrir davantage aux capitaux, aux entreprises et technologies des économies plus avancées qu’elle entend, en même temps, concurrencer. Il nous livre enfin plusieurs scénarios sur la Chine pour les 10 ans à venir. Sur le même sujet, Justine Fernandez nous offre une analyse du livre de Kevin Rudd, The Avoidable War, qui, partant du rêve de la Chine de devenir la première puissance mondiale en 2049, expose 10 scénarios de confrontation entre elle et les États-Unis, un seul envisageant une victoire américaine…

Dans ce même numéro de Futuribles est publié un article sur ce que l’on peut faire des déchets radioactifs dont la durée de vie se compte en milliers d’années : les entreposer sous réserve qu’ils soient en lieu sûr, ou les stocker de manière irréversible à 500 mètres de profondeur dans le sous-sol ? Le choix entre ces deux possibilités exige qu’une évaluation socio-économique des investissements publics soit réalisée pour estimer les coûts et bénéfices sur une très longue période, pour la collectivité nationale, de ces deux solutions. Comment la faire, sachant que l’on ne saurait y parvenir en postulant que l’ordre institutionnel et social demeure inchangé à un tel horizon, ni a fortiori que la croissance économique observée depuis moins de trois siècles se poursuive au même rythme, de surcroît dans un monde aux ressources limitées ? Julie de Brux et ses coauteurs nous expliquent ici comment cet exercice assurément périlleux a été réalisé en s’appuyant sur deux scénarios alternatifs, certes un peu grossiers mais assortis de probabilités et finalement d’estimations chiffrées.

Comme le savent bien les lecteurs de Futuribles, les scénarios ne sont pas des prédictions ; ils ne font qu’explorer le champ des futurs possibles, l’anticipation étant nécessaire à l’action mais ne prétendant pas la décider. Si la méthode est couramment utilisée à l’horizon de quelques décennies, peut-elle également s’avérer utile, quoique plus risquée, à des horizons plus lointains ? Que nous le voulions ou non, la question se pose inéluctablement dès lors que nous avons, nous-mêmes ou nos parents, développé une industrie électronucléaire. Ne se pose-t-elle pas également lorsque nos actions transforment irrémédiablement le climat et détruisent tant d’espèces, voire dans l’hypothèse où des apprentis sorciers entreprendraient de modifier radicalement l’espèce humaine ou de la faire disparaître ? Des questions que ne soulève pas la Division de la population des Nations unies lorsqu’elle élabore des projections de population à l’horizon 2100, dont Alain Parant nous explique les hypothèses et nous rend compte des résultats.

#Chine #Crise #Énergie nucléaire #Scénarios