Paul Krugman dénonce ici vigoureusement l’essor d’une théorie économique dite de la « pléthore mondiale » et les politiques néfastes qu’elle peut inspirer qui tendent à vouloir juguler la croissance de la production et mieux répartir la rareté.
Cette théorie, dit-il, est fondée sur l’idée que – du fait, d’une part, des gains de productivité dans les pays industrialisés, d’autre part, de la production désormais assurée par les nouveaux pays industrialisés (NPI) – nous souffririons d’un excès d’offre par rapport à une demande, au demeurant atone.
Cette théorie ne résiste pas, selon Paul Krugman, à l’analyse.
– D’abord parce que si les capacités de production en effet augmentent dans les pays de l’OCDE, la croissance demeure en deçà du niveau atteint durant les trente glorieuses.
– Ensuite parce que, contrairement à l’idée que la demande serait insuffisante (faute de revenu ou en raison de la saturation des besoins), celle-ci est mue par une dynamique telle que les gens consomment toujours, sinon de la même chose, au moins de nouveaux produits et services.
– Enfin parce que les NPI, s’ils participent de plus en plus à l’offre, sont loin d’avoir atteint une situation d’autosuffisance. Tout au contraire, leurs besoins sont immenses et, à mesure que leur économie se développe, leur pouvoir d’achat augmente et, finalement, leur consommation aussi, bien plus rapidement que la production.
Cessons donc de vouloir freiner la production et d’adopter des politiques récessionnistes, déclare Paul Krugman. Un enchaînement vertueux existe entre l’offre et la demande ; il n’y a aucune raison pour que ce phénomène toujours observé dans le passé ne se poursuive pas à l’avenir.
H.J.
Le capitalisme est-il trop productif ?
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 230, avr. 1998