L’ONU (Organisation des Nations unies) organise à New York, du 18 au 22 septembre 2023, un sommet sur les Objectifs de développement durable (ODD), qui fera un bilan de l’Agenda 2030, adopté en 2015 par les États membres et qui a fixé 17 objectifs au développement durable de la planète devant être atteints en 2030. Ce rapport a été publié pour préparer le sommet.
ONU (Organisation des Nations unies), Global Sustainable Development Report 2023, New York : Nations unies, juin 2023, 202 p.

Si un précédent document, publié en 2019, faisait état de réels progrès permettant d’atteindre ces 17 objectifs, celui-ci présente le constat que la situation a changé et que les objectifs ne seront pas atteints en 2030. Il propose des mesures pour maintenir le cap mais en reculant les échéances…
Le premier chapitre, « À mi-chemin vers 2030 », présente un bilan de la réalisation des 17 ODD et dresse le constat qu’aucun progrès n’a été réalisé depuis 2019. La crise sanitaire provoquée par la Covid-19, puis la reprise de l’inflation et, enfin, la guerre en Ukraine expliquent largement cette stagnation. Parmi ces objectifs beaucoup ont un caractère social. Le premier vise l’éradication de la pauvreté ; les cinq autres concernent : l’élimination de la sous-alimentation ; la santé et le bien-être ; l’égalité entre les sexes ; la qualité de l’éducation ; et la réduction des inégalités sociales.
Six autres objectifs visent à assurer les conditions durables du développement : l’accès à l’eau potable ; à une énergie propre (et à bas coût) ; un travail décent ; la promotion de l’industrie avec l’innovation et les infrastructures ; la promotion de villes durables ; une production et une consommation responsables (limitant les déchets). Trois autres concernent l’environnement : la lutte contre le changement climatique ; la protection de la vie terrestre ; et la protection de la vie aquatique (en particulier les océans). Enfin, l’instauration d’une paix juste, avec des institutions efficaces, et d’un partenariat entre les pays sont deux objectifs considérés comme indispensables au développement durable de la planète.
Le constat global est pessimiste : pour la majorité des objectifs aucun progrès n’a été réalisé depuis 2019, des reculs sont même enregistrés pour certains d’entre eux qui sont importants (l’élimination de la pauvreté, notamment en Afrique ; l’amélioration de l’alimentation et de la couverture vaccinale des populations ; un développement économique durable ; l’accès universel à l’énergie et en particulier à l’électricité). Ainsi, la proportion de la population mondiale sous-alimentée est passée de 8 % à 9,8 % en 2020-2021. En revanche, les objectifs concernant l’habitat, les dépenses mondiales de recherche-développement (R&D) et l’aide au développement enregistrent des progrès et représentent le seul côté positif de ce bilan.
Les auteurs constatent, dans leur deuxième chapitre, que les objectifs fixés par l’ONU ne peuvent pas être atteints en 2030 et que, dans ces conditions, un scénario de réchauffement climatique de 2 °C à 3 °C est probable d’ici 2100. Ils soulignent aussi que les inégalités dans la répartition de la richesse mondiale subsistent et se sont accrues depuis 2020 : 10 % de la population mondiale bénéficie de 52 % du revenu de la planète et 1 % de celle-ci aurait capté les deux tiers de la création de richesse. Pour corriger la trajectoire, les États doivent revoir drastiquement leurs objectifs, ce qui semble possible d’après une enquête effectuée auprès de 60 pays montrant qu’en 2021, les trois quarts des gouvernements avaient mis en route des plans d’action et que les stratégies des entreprises intégraient le concept de développement durable (sans éviter forcément le greenwashing).
Quels chemins les pays peuvent-ils emprunter — avec un retard de plusieurs années — pour atteindre l’Agenda 2030 ? Dans ses troisième et quatrième chapitres, le rapport envisage cinq scénarios socio-économiques pour l’avenir, le plus volontariste, « durabilité », permet de garder le cap de l’Agenda 2030 avec un décalage temporel (tous les objectifs seraient atteints en 2050 et il serait compatible avec un réchauffement climatique de 1,5 °C) permettant un développement inclusif de la planète (une éradication de la pauvreté), et respectant l’environnement et les biens communs.
Six grandes priorités avaient été définies en 2019 : accroître le bien-être des populations et leurs capacités d’action ; assurer une économie durable et juste ; réaliser des systèmes de nutrition durable et saine ; décarboner l’énergie et la rendre accessible à tous ; développer un tissu urbain et périurbain durable et viable ; protéger les « communs » — atmosphère, espaces aquatiques (notamment les océans), forêts — et la biodiversité. Le rapport préconise d’utiliser cinq leviers pour réaliser ce programme : une gouvernance efficace ; l’économie et la finance ; l’action collective et individuelle ; la science et la technologie ; le développement des compétences (la réflexion prospective notamment…). Les experts constatent que, depuis 2020, l’effort financier nécessaire pour atteindre les 17 objectifs de l’Agenda 2030 est demeuré très en deçà de ce qui est indispensable : il faudrait l’augmenter de 1 400 à 2 500 milliards de dollars US par an, soit environ 1,5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial au minimum. Un tel financement pourrait être en partie assuré par le biais d’obligations — une opération néanmoins difficile dans un contexte où beaucoup de pays sont endettés.
Le rapport consacre un long chapitre, le cinquième, à la science et à la technologie. Il plaide pour une utilisation systématique de la méthode scientifique et des savoirs dans l’élaboration des stratégies nécessaires à la mise en œuvre de l’Agenda 2030. La science permet de réduire les incertitudes en identifiant les obstacles et d’ouvrir la voie à des innovations, mais elle doit être « socialement robuste » (un concept qui mériterait d’être précisé). Toutefois, le rapport fait un constat alarmant : alors que les dépenses de R&D des pays à haut revenu ont augmenté, celles des pays à faible revenu, les moins développés, ont légèrement baissé sur la période 2013-2018 ; ils y consacrent, respectivement, de 1,5 % à un peu plus de 2,5 % de leur PIB et de 0,2 % à 0,5 % de celui-ci. Dix pays assurent à eux seuls 80 % des dépenses de R&D mondiales et 70 % de la population mondiale vit dans des pays où l’effort de recherche est très faible. La forte augmentation des publications scientifiques consacrées aux thématiques du développement durable (2 200 en 2021 contre 150 en 2015) est incontestablement encourageante ; toutefois, les experts constatent que la très grande majorité des auteurs des publications concernant le changement climatique travaillent en Europe et en Amérique du Nord (ceux d’Amérique du Sud et d’Afrique étant sous-représentés). Il est donc indispensable d’organiser un partage des résultats de la recherche et de renforcer les relations entre la politique et la science, deux moyens pour assurer la robustesse de celle-ci.
Le sixième chapitre du rapport, un appel à l’action, est en quelque sorte sa conclusion. Les 17 ODD demeurent un « agenda valable pour un futur désirable », mais il faut définir et mettre en œuvre une nouvelle feuille de route en 2024, fondée sur des plans nationaux, pour accélérer l’action, en mobilisant des connaissances scientifiques et en activant les cinq leviers identifiés en 2019. Il souligne, notamment, l’urgence d’actions volontaristes pour lutter contre le changement climatique et la montée des inégalités. Ce rapport a le mérite de présenter un bilan des actions entreprises pour un développement durable de la planète, tout en démontrant que cet objectif ne pourra pas être atteint en 2030. Il aurait été utile, toutefois, de rappeler plus clairement les priorités parmi les 17 objectifs de l’Agenda 2030, dans un contexte où la guerre en Ukraine et les incertitudes économiques risquent d’accroître les inégalités et de provoquer des crises alimentaires dans les pays pauvres, notamment en Afrique.