Au forum de Davos en janvier 2023, Mohammed Al-Jadaan, ministre des Finances de l’Arabie Saoudite, a fait une déclaration très remarquée sur l’ouverture de la vente du pétrole saoudien dans d’autres monnaies que le dollar US. Cette annonce rompt le pacte avec l’allié américain historique du pays car, depuis 1974, en échange d’une protection militaire et politique des États-Unis, les Saoudiens ont lié leur monnaie, le riyal, au dollar US, acceptant qu’il soit l’unique monnaie de vente de leur pétrole. Les autres pays pétroliers ont suivi et utilisent également le dollar US pour leurs transactions.
En 2000, seuls deux pays tentaient de s’échapper du pétrodollar [1] : le Venezuela et l’Irak. Le Venezuela d’Hugo Chavez avait instauré un système d’échange de pétrole contre des produits et services avec d’autres pays d’Amérique centrale. L’Irak de Saddam Hussein, alors sous le coup de la régulation des échanges par le Comité de sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies, avait demandé à ce comité (qui avait été accepté) que ses exportations de pétrole puissent être payées en euros. Il en fut ainsi jusqu’à l’intervention américaine en Irak, en mars 2003, qui mit immédiatement fin à cette « euroïsation » du pétrole irakien. Quant au Venezuela, en réponse aux sanctions américaines à son encontre, il a même opté, en 2017, pour un refus complet du dollar US, acceptant les yuans et les euros pour la vente de son pétrole. En 2003, c’est l’Iran qui facturait en euros ses exportations de pétrole vers l’Asie et l’Europe.
Puis, c’est la Russie qui a commencé à diversifier la monnaie de paiement de ses exportations de brut. En 2019, elle s’est fait payer en euros ses ventes de pétrole à long terme à la China National Petroleum Corporation (CNPC). Puis en 2022, suite aux sanctions occidentales liées à la guerre en Ukraine, elle s’est fait payer en yuans. Mais ces décisions symboliques ne doivent pas faire oublier qu’en 2021, l’ensemble des exportations russes — le pétrole ainsi que de nombreuses autres matières premières qui habituellement s’échangent en dollars US dans le monde — étaient payées à 55 % en dollars US et à 29 % en euros. Le dollar US et, dans une bien moindre mesure, l’euro dominent donc toujours les export...