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L'Europe médiane

Diagnostic pour des avenirs

Tout indique la puissance et la vigueur du Nord-Ouest de l’Europe : concentration unique d’activités de production et d’échanges, cet espace apparait comme le centre de gravité industriel de l’Europe ; tel est son poids qu’aucun ensemble européen de cette sorte ne peut lui être actuellement comparé ; telle est sa nature qu’on tend à le considérer comme une unité spécifique, transnationale ; telle est sa dynamique qu’on est en droit de le considérer comme l’espace dominant de l’Europe, celle-là ne se faisant qu’en acceptant la domination de celui-ci sous ses diverses formes économique, monétaire, etc. ; telle est, enfin, sa prégnance que l’organisation de l’espace est pensée et réalisée par rapport à lui, pour s’en rapprocher et s’y raccrocher, pour le contrebalancer et tenter de s’y opposer.

Schéma général d’aménagement de la France, « L’Europe médiane. Diagnostic pour des avenirs », TRP, 53, décembre 1974, 113 p.

Pourtant, au sud de ce « noyau lourd », l’ensemble des régions proches de la Suisse, le Bade-Wurtemberg et la Bavière en Allemagne, l’Autriche occidentale, la Vénétie, la Lombardie et le Piémont en Italie, les régions « Provence-Côte d’Azur », « Rhône-Alpes », « Franche-Comté et « Alsace » en France, et la Suisse elle-même ont connu également un développement économique rapide dont rendent compte certaines statistiques régionales : le taux de croissance du produit intérieur brut entre 1960 et 1970 a, dans la plupart des cas, été plus important dans ces diverses régions que la moyenne de leurs propres pays ; et le PIB par habitant était en 1970 souvent supérieur dans ces régions à la moyenne nationale.

Certes, on connaît le poids et la richesse du Bade-Wurtemberg et de la Lombardie ; de même l’on pressent ceux de la Suisse, des régions et des pays qui s’échelonnent le long de cet axe « It-Brit », caractérisé par une forte densité et un revenu par habitant élevé, qui part de Londres pour rejoindre Milan en empruntant le couloir rhénan.

Mais, en réalité, ce sont bien toutes ces régions voisines de la Suisse et non pas seulement deux d’entre elles qui rentrent dans ce mouvement général de surdéveloppement – relativement aux zones périphériques de l’Europe.

Ne faut-il pas alors se demander comment peut évoluer cet espace au centre de l’Europe ? Le développement que l’on observe actuellement serat-il, d’ici à quinze ans, accompagné d’une association plus étroite des régions qui composent cet espace ? son contenu sera-t-il le fruit d’une imbrication originale de ces régions ? ou, au contraire, certaines de ces régions seront-elles davantage tournées vers leur économie nationale ou les marchés internationaux, tandis que d’autres privilégieront la coopération avec tel ou tel espace européen considéré comme stratégiquement plus intéressant ?

Pour l’heure, cette Europe médiane ne semble pas être formée, les connexions ne sont pas établies de manière multilatérale si ce n’est dans le cadre d’une interdépendance croissante des économies européennes. Il se peut que chacun de ces pays ou chacune de ces régions cherche à jouer un rôle propre dans le cadre d’une stratégie nationale ou internationale, que la Suisse joue une carte mondiale beaucoup plus qu’européenne, que la région « Rhône-Alpes » se sente plus attirée par la façade méditerranéenne ou le cœur lotharingien… et les forces semblent jouer plus en ce sens que vers l’organisation d’un vaste complexe au centre de l’Europe.

L’interrogation posée se résume donc ainsi : existe-t-il en formation une configuration nouvelle de l’espace au centre de l’Europe, impliquant solidarité, imbrication politique, interdépendance économique ?…

Et, corrélativement, en fonction de la réponse donnée, quelles seront les conséquences pour les régions françaises concernées ?