Le découplage croissance / matières premières
De l’économie circulaire à l’économie de la fonctionnalité : vertus et limites du recyclage
Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 365, juillet-août 2010
L’article de François Grosse porte sur un sujet fondamental, le nécessaire découplage entre la croissance économique et la croissance des besoins en matières premières, sans lequel, compte tenu de la croissance de la population mondiale et de la légitime aspiration des pays émergents à accéder au niveau de développement des pays industrialisés, les ressources mondiales risquent d’être très rapidement épuisées.
En s’appuyant sur le cas du fer, l’auteur montre, par exemple, que si la production d’acier se prolongeait tout au long du XXIe siècle au même rythme exponentiel qu’au cours du XXe, on produirait autant d’acier en 100 ans que nous l’avons fait en un millénaire et, dans 270 ans, 10 000 fois plus de minerai qu’aujourd’hui chaque année. Et le même raisonnement, certes dans des proportions inégales, vaut pour toutes les matières premières : plomb, cuivre, lithium, zinc… Cette démonstration révélant le caractère insoutenable du modèle de croissance actuel.
Il est donc urgent de réussir à dissocier la croissance économique de la consommation à un rythme aussi effréné des ressources naturelles. Une des manières – croit-on – de le faire est de recourir au recyclage. Mais attention de ne point confondre, nous dit François Grosse, le taux de recyclage apparent et le taux de recyclage réel qui dépend de la consommation de matières premières et de leur durée de séjour dans l’économie, donc du volume effectif de matières disponibles en vue d’un tel recyclage.
Lorsqu’on raisonne ainsi, on voit bien que le recyclage (et ce que l’on dénomme « l’économie circulaire », une économie qui maximise les stratégies de réduction / réemploi / recyclage afin de réduire les consommations de ressources et les rejets de pollution par unité de produit) ne peut constituer, à lui seul, la solution. Il faut aller beaucoup plus loin pour réussir effectivement à éviter un rapide épuisement des ressources et opérer deux découplages successifs : un découplage fondamental entre développement économique et consommation totale de matières premières (vierges ou recyclées) ; et un découplage complémentaire, celui que permet le recyclage.
Pour parvenir à un tel résultat, il faut parvenir à réduire très fortement la quantité de matériau par unité de produit, ne point se satisfaire de l’économie circulaire et résolument s’orienter vers l’économie de la fonctionnalité qui, elle, doit permettre d’optimiser les usages des produits, donc d’en produire moins tout en satisfaisant aussi bien les besoins.