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L'assassinat des universités françaises

Cet article fait partie de la revue Futuribles n° 329, avril 2007

L’évaluation des universités dans le monde fait l’objet, depuis quelques années, de rapports périodiques, notamment par l’université Jiao Tong de Shanghai et par le Times Higher Education Supplement (THES). Les universités françaises ne brillent pas par leur excellence dans ces palmarès, sans doute parce que le système français de recherche et d’enseignement supérieur est singulier : d’abord, en raison des structures de recherches distinctes de l’université, ensuite à cause de la coexistence des grandes écoles et des universités.
Néanmoins, la dégradation des universités françaises est incontestable, affirme Jean-Jacques Salomon. Et elle ne saurait être exclusivement imputée à une insuffisance de moyens budgétaires ni, en conséquence, résolue par la seule augmentation du budget de recherche-développement. Elle résulte en effet, comme l’avait déjà fort bien analysé Olivier Postel-Vinay, de quatre verrous bloquant toute possibilité de réforme : l’absence d’autonomie des universités, le mode d’affectation des crédits, le statut de fonctionnaire des chercheurs et le centralisme d’État.
Mais à ces verrous, dont Jean-Jacques Salomon souligne à son tour la réalité, s’ajoutent bien d’autres difficultés : celle de la multiplication des universités et de l’accueil en leur sein d’un nombre considérable d’étudiants (sans moyens corrélatifs d’encadrement enseignants et administratifs), résultant d’une pseudo-démocratisation de l’enseignement secondaire et de la priorité accordée en France aux filières d’enseignement long plutôt qu’aux enseignements professionnels et techniques excessivement méprisés.
Ainsi, l’objectif d’amener 80 % d’une génération au niveau du baccalauréat est-il profondément démagogique et trompeur, affirme l’auteur. D’abord, en raison du nombre de jeunes sortant du système éducatif sans diplôme ni formation, ensuite parce que cela n’empêche pas les meilleurs de s’orienter vers les établissements d’enseignement supérieur de haut niveau, enfin parce que tous les autres se trouvent orientés dans des universités qui n’ont en réalité pas les moyens de les accueillir convenablement, a fortiori d’amener tout le monde au niveau d’excellence auquel seule une dizaine d’universités pourraient prétendre.
Le diagnostic a maintes fois été établi depuis  » plus d’un demi-siècle  » affirme Jean-Jacques Salomon, sans que pour autant une réforme ne soit réellement adoptée qui soit à la mesure de l’enjeu. Tout au contraire, et suivant une grande tradition jacobine française, ont été constamment promues par le ministère de l’Éducation nationale des  » injonctions paradoxales  » nuisibles à tous égards, et aux étudiants en particulier.
Le déclin des universités françaises n’est pas inéluctable, affirme pour autant l’auteur, qui énonce un certain nombre de propositions assurément provocantes, telles que celles visant à conférer aux universités une autonomie suffisante pour qu’elles puissent choisir leurs étudiants, leurs professeurs, leurs administrateurs, leurs droits d’inscription, leurs orientations, leurs programmes…
L’auteur dénonce ici les blocages autant que les hypocrisies inhérentes à la politique française d’éducation et de formation,  » une machine à reproduire les inégalités  » entraînant un déclassement de l’enseignement supérieur français, en ne développant chez beaucoup de jeunes qu’amertume et frustration.

#Enseignement #Formation