« Il faut s’adapter » est le grand impératif du monde économique, politique et social, face aux défis de compétition, de concurrence et de transformation de notre environnement. Mais s’adapter à quoi et sous quelles modalités d’organisation sociopolitique ? Voilà en substance la controverse que pose ici Barbara Stiegler, professeur de philosophie politique à l’université de Bordeaux. Grâce à une vaste fresque historique, elle retrace la chronologie d’un débat méconnu, celui qui opposa deux penseurs du néolibéralisme, Walter Lippmann (1889-1974) et John Dewey (1859-1952), pour éclairer non seulement les racines de ce sentiment de désadaptation, d’instabilité et de retard qui ronge les communautés humaines contemporaines, mais aussi questionner les solutions qui lui ont été apportées.
Une des grandes forces de l’ouvrage est ainsi de reprendre la généalogie de la pensée néolibérale afin d’éclaircir ce concept galvaudé, souvent confondu avec le capitalisme financiarisé ou l’ultralibéralisme (p. 12). Barbara Stiegler rappelle comment le néolibéralisme est issu d’une réaction à la crise financière de 1929 qui révèle l’échec de la pensée libérale spencérienne et conduit certains politologues à convoquer un retour invasif de l’État dans toutes les sphères de la vie sociale, pour garantir les co...