Il est trop établi que nous sommes, quant à la situation internationale, dans une période-charnière où les rapports sont en train d’être redéfinis pour insister sur ce point. Les termes du problème sont aussi connus : ou la division du monde en deux blocs se maintient, moyennant quelques réajustements, mais sans que soient remises en cause les hégémonies américaine et soviétique dans l’un et l’autre bloc, ni leur hégémonie commune sur la planète ; ou l’on s’achemine vers un monde multipolaire dans lequel émergent aux côtés des deux superpuissances, de nouvelles puissances, voire de nouveaux blocs : l’Europe, le Japon, la Chine, les pays producteurs de pétrole…
Dans l’état actuel de l’évolution pourtant accélérée des rapports internationaux, cette question n’est pas définitivement réglée. L’après-guerre a été marquée, deux décennies durant, par une stabilité d’ensemble, caractérisée par l’opposition de deux mondes, les deux camps soviétique et américain. Depuis la fin des années soixante, et sans qu’il n’ait naturellement manqué auparavant de signes précurseurs, cet ordre semble menacé sans qu’on puisse pourtant être assuré de l’issue de ce bouleversement. C’est que, dans le même temps où la Chine fait son entrée sur la scène internationale en rompant avec le bloc soviétique, donc en l’affaiblissant, l’URSS étend, hors de ses frontières, son influence et sa présence. Dans le même temps où apparaissent aux États-Unis les signes du déclin et en Europe, comme au Japon, ceux de la puissance économique et de l’indépendance, la construction européenne marque le pas tandis que la crise de l’énergie semble redonner à l’hégémonie américaine l’occasion d’un sursaut de vigueur inespéré. On n’en finirait pas d’accumuler les éléments parfaitement contradictoires de l’une et l’autre tendance.
Cette indécision est patente dans le discours des observateurs comme dans celui des acteurs politiques. C’est pourquoi, il apparaît d’abord nécessaire de démêler cet imbroglio de tendances pour ensuite dépasser la période-charnière de redéfinition des relations internationales et de déterminer les images possibles de ces relations à son issue.