Il est courant de lire que la robotique (comme hier la cybernétique) sera « la prochaine révolution industrielle ». Mais moins qu’un bouleversement socio-économique lié aux conditions de travail et de production, il s’agirait d’anticiper une remise en question sans précédent de catégories fondamentales du droit, notamment civil, qui fondent nos institutions et régulent en profondeur nos sociétés. Pour le juriste, l’expression « droit des robots » est étrange et incertaine, plusieurs siècles de stabilité du droit ayant conditionné à penser les personnes et les choses comme relevant de deux matières distinctes, délimitées par la disponibilité de la seconde à la première. Les robots, en ce qu’ils intègrent les perspectives d’une intelligence artificielle autonomisée et apprenante, mettent à l’épreuve cet état de fait – summa divisio. En cela, ils présentent une difficulté conceptuelle analogue à celle récemment posée par l’évolution de nos rapports à la condition animale.
Dans les deux cas, le droit étant fait d’artefacts fictionnels, il reste une nouvelle « histoire » à inventer pour les robots comme pour les animaux, et ce, au niveau élémentaire de la définition : seront-ils bientôt des objets sui generis, dotés de certains attributs de la chose (la disponibilité, le rattachement à des droits réels), et d’autres de la personne (titularité de droits subjectifs, capacité juridique, etc.) ? Ou faudra-t-il les répartir en fonction de leurs usages ? Dans une conférence sur le sujet [1], Marie...