Le texte qui suit rend compte du dernier livre traduit en français de Ronald Inglehart et de l’évolution, au cours des 50 dernières années, de sa théorie sur la montée du postmatérialisme. Selon cette théorie, élaborée au début des années 1970, le renouvellement des générations allait entraîner presque mécaniquement une progression des valeurs postmatérialistes (qualité de vie, épanouissement personnel, participation démocratique), au détriment des valeurs matérialistes (ordre, sécurité, croissance économique) auxquelles les générations antérieures auraient été beaucoup plus attachées. Cette théorie est ici mise à l’épreuve de très nombreuses enquêtes menées dans le monde entier, qui révèlent notamment que l’essor des valeurs postmatérialistes a marqué le pas en lien avec le ralentissement de la croissance économique, qu’une écrasante majorité d’individus se réclame de valeurs mixtes, et que ces constats révèlent le besoin de définir autrement les axes structurants de ces travaux…
Mais au-delà de ces réflexions critiques sur la théorie postmatérialiste, plusieurs tendances majeures de l’évolution socioculturelle sont ici présentées : ainsi de l’essor des valeurs séculières mais aussi de fortes croyances religieuses, ainsi de la liberté des mœurs, plus nettement encore de la « féminisation de la société », du sentiment de bonheur qui est en hausse, de l’adhésion à la démocratie…, ce qui n’exclut ni l’essor de mouvements populistes ou fascistes, ni une révolte des catégories sociales les plus modestes à l’encontre du 1 % les plus riches. Pierre Bréchon, en fin connaisseur des études sur les valeurs, ajoute sa voix à celle de Ronald Inglehart pour montrer l’intérêt et les limites des enquêtes ainsi réalisées.