Les technologies, notamment « vertes », sont-elles la solution aux crises planétaires et aux défis environnementaux ? Non, répond Philippe Bihouix dans cet ouvrage, dans lequel il analyse toutes les limites et les risques liés à un avenir dominé par les technologies, avant de proposer, au contraire, de se tourner vers les low tech, ou basses technologies.
Il rappelle dans un premier temps que le modèle économique actuel génère des pressions croissantes sur les ressources de la planète. Il estime que 20 % des habitants de la planète consomment 80 % des ressources naturelles et rappelle que chaque Français « produit » deux tonnes de déchets industriels et par an.
Face à tous ces problèmes, différentes solutions sont promises, à des horizons plus ou moins lointains : énergies renouvelables et « propres », recyclage et économie circulaire… Et en effet, concède l’auteur, jusqu’à présent, le progrès technique a permis à l’humanité d’utiliser toujours moins de matière pour produire toujours plus de biens. Ainsi, alors même que la consommation matérielle de l’humanité ne cesse de croître, jusqu’à présent, les pénuries ont été limitées grâce à la mise en place de nouvelles solutions technologiques.
Cependant, rappelle l’auteur, ces solutions ont un prix, puisqu’elles génèrent une accélération de l’épuisement des ressources et entraînent des pollutions voire des destructions des écosystèmes. Ainsi, à mesure que les gisements s’épuisent, il faut de plus en plus d’énergie pour extraire le pétrole ou les métaux des sous-sols, ce qui suppose de recourir à des technologies et des équipements qui nécessitent… toujours plus d’énergies et de matières premières.
En conséquence, après le pic de pétrole, des pics similaires pourraient aussi être enregistrés pour un grand nombre de ressources naturelles, pour lesquelles il pourrait se révéler difficile de trouver des substituts. Et le potentiel du recyclage risque d’être insuffisant compte tenu de la faible recyclabilité de certains matériaux et produits (comme les technologies) notamment.
Selon l’auteur, miser sur les solutions tout technologie pour faire face aux défis énergétiques et climatiques en cours est une erreur et une utopie. Il estime que la sortie de la crise économique et environnementale planétaire ne passera pas « par le haut » mais, au contraire, « par le bas ». Il propose en effet de « faire autant avec moins », c’est-à-dire de réduire l’intensité en ressources de l’économie, de la dématérialiser. Il est nécessaire selon lui de réduire la consommation de ressources en amont, par les consommateurs et les entreprises, en réduisant la vitesse de renouvellement des biens et l’utilisation de biens jetables, en réparant, en utilisant des matériaux renouvelables et recyclables, etc.
Il imagine ensuite à quoi pourrait ressembler la vie quotidienne au temps des basses technologies, reposant sur le partage des logements, des voitures et des biens de consommation, afin de réduire le stockage de biens inutilisés et la fabrication de biens neufs. Il propose aussi de se tourner systématiquement vers les biens et les matériaux les plus simples plutôt que vers des biens sophistiqués aux impacts douteux sur la santé et l’environnement.
Selon ses calculs, dans ce nouveaux modèle, la perte d’emplois générée par la baisse de la consommation serait plus que compensée par les créations d’emplois liées à une moindre mécanisation et une revalorisation des métiers manuels, par exemple dans l’agriculture et l’industrie grâce à des relocalisations.
Dommage néanmoins que l’auteur se montre souvent très radical dans son jugement de certaines technologies et certaines pratiques. Dommage aussi que l’alternative qu’il propose apparaisse en décalage avec les pratiques de consommation dominantes, et risque donc de sembler peu attractive et souhaitable.
L’âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable
Analyse de livre