Les 1er et 2 décembre 2022 s’est tenue dans les locaux de Futuribles International une nouvelle session de la formation « Futurs de villes. Les villes et leurs acteurs au défi des transitions », animée par Isabelle Baraud-Serfaty, économiste et urbaniste, directrice d’Ibicity. Comme lors de la session précédente, les différentes interventions ont apporté des éclairages thématiques sur quelques-unes des nombreuses facettes de la ville et de la fabrique urbaine aujourd’hui et demain.
Les résumés de ces interventions ont été rédigés par Quentin Bisalli et ne visent en aucun cas à reprendre l’intégralité des propos exprimés : il s’agit ici de garder trace de la spécificité de leur approche. Ces résumés n’engagent pas les intervenants, qui ne les ont pas lus avant publication, et les illustrations en exergue ont été, sauf exception, choisies par Futuribles. Cet article porte sur l’intervention de Dominique Boullier, professeur des universités émérite à SciencesPo Paris [1], consacrée à la transition numérique des villes.
Un réseau Internet devenu centralisé autour de plates-formes
Deux dates historiques sont à retenir dans l’histoire des plates-formes numériques. La première est l’année 1996 lorsque le réseau Internet, jusque-là géré par le service public américain de la recherche (NSFNet), est pris en charge par les fournisseurs d’accès à Internet, qui ont alors le statut d’hébergeur et non d’éditeur. Cette décision est à l’origine de la marchandisation d’Internet et de la non-responsabilité éditoriale des géants du Net.
La seconde date est le pari de la monétisation fait par les géants du numérique d’alors (YouTube, Facebook), en 2008-2009. La publicité, placée au centre des modèles économiques, devient de plus en plus programmatique et identifiée, pour attirer les investisseurs (principe d’assetization).
Alors que la philosophie initiale d’Internet, conceptualisée dans les années 1960-1970, était la distribution sans serveur central, le réseau se retrouve aujourd’hui centralisé par quelques acteurs hégémoniques à différents niveaux :
- Le réseau physique des machines est largement centralisé par Amazon Web Services, qui détient 35 % des parts de marché dans l’ensemble des secteurs.
- Le réseau des informations et documents est quasiment monopolisé par Google, par qui passent 90 % des recherches mondiales.
- Le réseau des personnes, du moins des comptes, est détenu aux deux tiers par Meta (ex-Facebook) et Google.
À ces trois couches s’ajoute un quatrième niveau, aujourd’hui en construction : le réseau des objets connectés, en émergence avec le déploiement de la 5G et des constellations de satellites. Le déploiement futur des fréquences 26 Ghz pour la 5G laisse envisager des temps de latence (ou de réponse) bien plus faibles (inférieurs à 10 millisecondes) que dans la configuration actuelle, laissant la porte ouverte à un déploiement massif de l’Internet des objets. De nombreux acteurs sont prépositionnés (notamment Meta), sans pour l’instant que l’on puisse dire si l’un d’entre eux arrivera à imposer son hégémonie.
Dans ce contexte, la place des plates-formes fait de plus en plus débat. D’une part, les arènes de décision (normes techniques, etc.) restent assez invisibles. D’autre part, alors que les plates-formes encouragent l’engagement, captent, commercialis...
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