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Nourrir. Cessons de maltraiter ceux qui nous font vivre !

Analyse de livre

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Cet ouvrage est avant tout un plaidoyer pour défendre les agriculteurs français — aussi bien les petits exploitants que les grandes firmes agricoles — de toute critique qui pourrait leur être faite. Les agriculteurs sont parés de toutes les vertus : non seulement ils nourrissent le pays — et nourrissent le monde par leurs exportations de céréales —, mais ils protègent par exemple de mauvaises herbes comme la Datura qui pourraient empoisonner la production ; ils protègent la nature, fabriquent de beaux paysages ; ils produisent un cinquième de l’énergie renouvelable nationale, stockent du carbone et doivent s’adapter en permanences aux aléas, sans oublier qu’ils gèrent une entreprise et innovent en permanence.

Brunel Sylvie, Nourrir. Cessons de maltraiter ceux qui nous font vivre !, Paris : Buchet-Chastel, février 2023, 336 p.

L’autrice écrit même que « le végétal et le biosourcé apportent toutes les réponses pour remplacer les énergies du passé », mais sans s’interroger sur les quantités de biomasse nécessaires pour remplacer gaz, pétrole et plastique. Selon elle, les critiques sur l’usage de pesticides et la consommation d’eau douce sont totalement injustes, mais elle omet de dire, par exemple, qu’alors que la méthode plus économe du goutte-à-goutte existe depuis longtemps, l’aspersion reste de mise sur le territoire français. C’est le stockage de l’eau qui serait à privilégier.

Au fil de l’ouvrage, ce sont surtout les « bobos » urbains, aisés et qui ne comprennent rien à l’agriculture qui sont critiqués, en plus de l’Union européenne qui interdit des pesticides nécessaires à la productivité agricole alors qu’ils sont autorisés ailleurs et reviennent via l’importation. Le propos est clair : la production biologique, la permaculture — une philosophie qu’elle oppose à l’agronomie —, les circuits courts ne concernent qu’un marché de niche (les bobos) et ne peuvent nourrir la majorité de la population. Pire, ces voies conduiraient surtout à appauvrir les agriculteurs car elles requièrent trop de travail avec une faible productivité. Le problème est que ces assertions ne sont ni démontrées ni justifiées par des données, si ce n’est sur le « local » où, à juste titre, Sylvie Brunel montre que les grandes villes ne peuvent se nourrir avec la seule agriculture de proximité régionale. L’autrice reconnaît cependant que ces pratiques, notamment la petite agriculture extensive, restent adaptées à des territoires difficiles comme les zones montagneuses.