À droite comme à gauche de l’échiquier politique, le libéralisme fait l’objet de critiques virulentes, au point que les démocraties qui s’en réclament semblent dangereusement menacées. Si ce constat est aujourd’hui largement partagé, il importe pour Francis Fukuyama d’en faire l’analyse, lui qui, en 1992, dans un ouvrage célèbre mais controversé — La Fin de l’Histoire et le dernier homme — anticipait la victoire idéologique de la démocratie et du libéralisme sur toute autre forme de modèle.
Déjà, en 2018, dans un essai moins connu — Identity: The Demand for Dignity and the Politics of Resentment —, le chercheur en sciences politiques et professeur d’économie pressentait l’effritement du libéralisme et des démocraties, fragilisées par la montée de courants identitaires, hostiles à l’état de droit.
Dans ce nouvel ouvrage, il se penche plus attentivement encore sur les dévoiements du libéralisme aux États-Unis, à l’origine des critiques contre la doctrine elle-même, mais aussi de l’émergence d’idéologies concurrentes radicales. Sa conviction : le libéralisme, comme toute idéologie, se fonde sur des intuitions exactes mais s’est trouvé dénaturé par des dérives dans sa mise en œuvre.
Qu’est-ce que le libéralisme ? Une doctrine que l’essayiste John Gray qualifiait en ces termes en 1986 : « individualiste, égalitaire, universaliste et mélioriste [1] ». De fait, affirme l’auteur, le libéralisme reconnaît la primauté des individus sur la communauté, les juge égaux d’un point de vue moral, et dotés de droits, dont l’autonomie, la propriété et la liberté de transaction économique sont sans doute les plus fondamentaux.
À ce jour, trois arguments plaident en faveur de cette doctrine : d’un point de vue pragmatique, elle régule la violence en proposant une solution institutionnelle à la diversité ; d’un point de vue moral, elle protège la dignité des personnes en leur reconnaissant le droit à l’autonomie ; d’un point de vue économique, elle a longtemps favorisé la croissance économique.
On assiste toutefois à de nombreuses dérives.
