Le changement social a été longtemps appréhendé à partir des seuls indicateurs de la croissance économique (augmentation de la consommation, productivité croissante, accélération des échanges) ou de l’innovation technologique (progrès notamment dans les transports, la communication, développement des biens générateurs de confort matériel). Aujourd’hui, l’analyse prospective intègre une dimension plus qualitative et culturelle, celle de l’évolution des mentalités, des préférences, des aspirations, des modes de vie, des besoins et, en un mot, des valeurs.
(…) La dynamique des valeurs est, en effet, un moteur puissant du changement social, et il importe que les institutions et organisations soient en mesure de déchiffrer ce processus. Elles y sont conduites pour des motifs internes : diriger des hommes et des femmes, leur faire partager une ambition collective, les entraîner dans des changements majeurs nécessaires mais inquiétants suppose que le manager en charge de ces personnes connaisse bien ce qui les motive et ce qui les rassemble, c’est-à-dire, pour l’essentiel, leurs valeurs. Le changement social s’impose aussi aux entreprises, aux organisations et aux institutions par l’extérieur : ces entités collectives ne peuvent se contenter de faire avancer leurs projets sans prendre en compte leur environnement, la société dans son ensemble, mais aussi les attentes de leurs usagers ou de leur clientèle, leurs désirs, leurs besoins et leurs aspirations, c’est-à-dire, encore une fois, leurs valeurs.
Dans les analyses stratégiques et les plans qui en découlent, la dimension sociétale est parfois
vue comme un ensemble de variables « molles », probablement parce que leur contour est souvent imprécis, et qu’elles se plient difficilement à la volonté des planificateurs. Cette mollesse, toutefois, n’est qu’apparente : tous les responsables politiques et économiques qui ont eu à faire face à des situations humaines et sociales significatives (conduire le changement ou gérer une crise par exemple) savent que le facteur décisif est celui des aspirations, des désirs et des valeurs. La réussite ou l’échec des projets d’une organisation dépend souvent, pour une large part, d’une juste prise en compte de cette dimension sociétale.
La prospective a tout intérêt à faire sienne cette dimension, aussi bien par la compréhension des tendances d’évolution des valeurs, que par la vision juste des désirs et attentes d’aujourd’hui. Et cette intégration peut être effectuée à toutes les étapes de la méthode prospective, qu’il s’agisse de l’étude des variables structurelles – les valeurs en font partie -, de l’analyse des positions des acteurs sociaux – éclaircie par la prise en compte de leurs L’évolution des valeurs. Concepts, théories et systèmes d’études motivations – ou de l’élaboration des scénarios prospectifs – qui risquent d’être invalidés s’ils n’intègrent pas la dimension sociétale.
Si le reproche de la mollesse n’est pas pertinent sur le fond, il importe toutefois d’aborder la
question des valeurs avec rigueur. C’est dans cet esprit qu’a été préparée la présente note de
synthèse. Son objet est de définir les principaux aspects de la dimension sociétale : quels sont
les concepts de base qui permettent d’organiser la réflexion dans ce domaine ? Quelles théories aident à s’orienter ? Quelles données peuvent être consultées et utilisées à des fins d’étude, de diagnostic et d’action ? (…)