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Le solaire, une embellie pour l’autoconsommation

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L’autoconsommation est le fait de consommer une électricité autoproduite — le plus souvent à partir de panneaux solaires. Avec l’augmentation des prix de l’électricité et la baisse concomitante du prix des panneaux solaires (de 80 % en 10 ans), cette pratique est amenée à se développer. Deux cas sont possibles : soit toute la production est stockée localement sur batterie et consommée sur place, comme c’est le cas dans des refuges de montagne non raccordés au réseau électrique ; soit l’installation est également connectée au réseau, et une part est autoconsommée tandis que l’autre part est injectée sur le réseau.

Le think-tank France Territoire solaire publie les données sur le parc photovoltaïque en France. Selon cette source, si la puissance totale installée en solaire photovoltaïque est de 14 139 mégawatts au troisième trimestre 2022 en France continentale, la part d’installations avec autoconsommation n’est que de 972 mégawatts, soit près de 7 % de la puissance photovoltaïque installée à la même date ; quant à l’autoconsommation en complète autonomie (sans injection), elle ne représente que 169 mégawatts, soit 1,2 % du total.

Cumul des raccordements en France continentale (par trimestre, en mégawatts)

Bien que faible, la part d’autoconsommation tend à augmenter dans le parc solaire qui, majoritairement, injecte l’intégralité de la production sur le réseau. Cette faible part de l’autonomie complète est d’abord liée au fait que de nombreux bâtiments ne sont pas équipés de suffisamment de panneaux solaires pour couvrir tous leurs besoins, aussi quand les usagers ont besoin d’un complément électrique du réseau, il apparaît inutile d’investir dans un stockage sur batterie (puisque l’électricité est vendue à EDF [Électricité de France]). Néanmoins, pour les installations résidentielles de faible puissance, inférieure à 3 kilowatts, l’ADEME (Agence de la transition écologique) évalue que la part d’autoconsommation, y compris partielle, dans ces installations serait passée de 8 % en 2014 à 86 % en 2019.

En nombre de parcs, dont la puissance peut aller de 3 à plus de 100 kilowatts, c’est près de 208 000 installations, dont 33 000 sans injection, qui correspondent aux 972 mégawatts utilisés en autoconsommation. Ce alors qu’il n’existait que 200 installations cumulant 6 mégawatts de puissance 10 ans plus tôt (au troisième trimestre 2012), ce qui correspond à une multiplication par plus de 1 000, en 10 ans, du nombre d’installations.

Cumul des raccordements en France continentale (par trimestre, en nombre d’installations)

Aujourd’hui, 94 % des installations avec injection d’électricité sur le réseau ont une puissance inférieure ou égale à 6 kilowatts ; 87 % des installations en totale autonomie (sans injection) ont une puissance inférieure ou égale à 3 kilowatts. L’évolution du nombre d’installations supplémentaires en autoconsommation (partielle ou totale) entre le premier trimestre 2022 (16 000 installations) et le troisième trimestre 2022 (24 000 installations), montre l’engouement pour l’autoproduction. Une forte augmentation des installations de plus de 100 kilowatts (302 sur le troisième trimestre de 2022 contre 38 lors du troisième trimestre de 2020) tend à montrer un plus grand intérêt des entreprises.

La hausse des tarifs d’achat par EDF et des primes d’autoconsommation décidées par l’État (+ 10 % en 2022) n’est pas étrangère à cet engouement compte tenu des augmentations de prix de l’électricité du réseau. L’entreprise agroalimentaire Sodebo va installer 95 000 mètres carrés de panneaux solaires sur son site en Vendée, pour couvrir 11 % de sa consommation énergétique annuelle ; Boiron (homéopathie), près de Lyon, compte couvrir 13 % de sa consommation ; et la coopérative des Poulets de Janzé, près de Rennes, vient d’inaugurer un parc photovoltaïque pour couvrir l’intégralité des besoins électriques de ses poulaillers.

Les collectivités locales pourraient aussi être tentées : une petite commune de 500 habitants dans la Sarthe veut fournir gratuitement de l’électricité à ses habitants en équipant de panneaux les toits des bâtiments publics ; la commune de Mons, près d’Alès, dans le Gard, veut alimenter ses 11 bâtiments publics en autoconsommation collective en équipant les toits de trois sites de 400 mètres carrés de panneaux solaires. Avec un autre modèle, la ville de Courbevoie crée une coopérative solaire, dans le cadre d’un contrat avec Dalkia, pour permettre aux habitants de financer l’achat de panneaux solaires installés sur les toits des bâtiments publics de la ville.

Enfin, les initiatives d’investissement dans des panneaux solaire peuvent provenir d’associations ou de militants qui se regroupent dans des coopératives solaires avec un investissement participatif comme, par exemple, la Coop solaire Nord Franche-Comté ou l’association solidaire et d’utilité sociale Massilia Sun System qui, grâce aux sociétaires et bénévoles, a déjà installé une quatrième centrale solaire en janvier 2023 pour des projets communautaires et sociaux (quartiers défavorisés, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), ou encore l’association Énergie solidaire qui gère un fonds solidaire alimenté par les dons des sociétaires de la coopérative Enercoop (fournisseur d’énergies renouvelables) afin de financer des programmes de lutte contre la précarité énergétique.

Le développement du solaire photovoltaïque sur les toits avec une part croissante en autoconsommation a un fort potentiel : en utilisant la moitié des toits de France, on pourrait produire 125 térawattheures par an [1], au prix de 0,15 euro le kilowatt, soit un tarif compétitif avec celui du réseau (0,17 euro le kilowatt hors taxes pour le tarif bleu résidentiel réglementé, sans forcément que ces deux coûts soient totalement comparables car il convient d’ajouter un coût d’usage du réseau pour les panneaux solaires). Il n’y avait en 2021 que 110 000 maisons à en profiter, mais RTE (Réseau de transport d’électricité) estime que quatre millions de foyers pourraient en bénéficier à l’horizon 2030.

On ne voit pas de raison — hors pénurie de panneaux solaires, difficulté à trouver un installateur compétent ou charge administrative et financière trop lourde pour réinjecter le surplus sur le réseau — qui empêcherait le photovoltaïque en autoconsommation d’augmenter, d’autant que l’autoconsommation ne représente qu’environ de 5 % de la consommation électrique française, soit deux fois moins qu’en Allemagne. Par ailleurs l’Agence européenne de l’environnement, en intégrant d’autres énergies renouvelables (l’éolien, l’hydraulique et la géothermie en plus du solaire), estime que l’autoconsommation individuelle ou collective pourrait couvrir 60 % des besoins électriques européens en 2050 (avec le plus gros potentiel sur le soleil et l’éolien). À partir du stock de toits disponibles en 2019, on pourrait alimenter un quart de la demande électrique européenne à partir de toits solaires.

C’est aussi dans le reste du monde, notamment dans les pays émergents avec peu de réseaux électriques, que l’autoconsommation électrique grâce à des panneaux solaires va le plus se développer, l’Agence internationale de l’énergie estime en 2022 à 25 millions le nombre de foyers qui dépendent de l’électricité solaire. Si ce nombre pouvait atteindre 100 millions en 2030, une des étapes de son scénario menant à la neutralité carbone à l’horizon 2050 serait franchie. Il s’agirait alors d’une véritable rupture dans les trajectoires de développement envisagées pour ces pays, d’autant plus si le coût des batteries était amené à baisser significativement. Les pays les plus pauvres pourraient accéder à l’électricité résidentielle sans passer, comme les pays riches, par un réseau électrique dense et une production électrique par des énergies fossiles.

  1. À comparer à la consommation électrique totale du pays en 2022, de 460 térawattheures dont 36 % pour le résidentiel.

#Infrastructures #Logement #Ménages #Politique énergétique #Transition écologique