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Demain encore, la faim dans le monde

Les contraintes foncières et hydriques de certains pays, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, seront trop fortes pour contenir la progression de la faim, compte tenu de l’augmentation de la population et de l’évolution de la demande alimentaire. Malgré les politiques de développement agricole et de lutte contre la faim, le problème restera majeur dans le paysage stratégique international de demain. À l’horizon 2050, les insécurités alimentaires pourraient être encore le lot quotidien de 1,3 milliard d’habitants, dont une majorité de pauvres et de ruraux. Cela représenterait 14 % de la population mondiale si l’on retient la projection de base à 9,1 milliards d’habitants en 2050 de l’ONU, soit une proportion similaire à celle qui prévaut de nos jours, puisque le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation chronique a é été évalué à 870 millions pour la période 2010-2012. Si, en valeur relative, une baisse est donc observable (la faim touchait 30 % de la population mondiale dans les années 1960), en valeur absolue, il se pourrait donc que les affamés sur la planète soient encore plus nombreux demain (jamais la barre du milliard n’a été jusqu’à présent franchie).

Telles sont les conclusions d’une nouvelle étude menée pour alerter encore une fois sur les dangers de la faim. Les auteurs soulignent aussi à quel point le commerce international sera plus déterminant que jamais pour limiter ces tensions planétaires. En effet, selon leurs calculs, un être humain sur six dépend actuellement des échanges internationaux pour couvrir ses besoins alimentaires. Ce ratio passera à un sur deux à l’horizon 2050 selon l’un des scénarios qu’ils ont élaboré. La déconnexion se poursuivrait donc entre les zones du globe où la nourriture est produite et celles où les consommations se réalisent. Cet écart géographique va s’amplifier dans les années à venir avec les pressions climatiques, la limitation des ressources naturelles et la croissance démographique de certains territoires, où les risques politiques et alimentaires se conjugueront davantage. Nombreuses seront donc les nations placées en situation de dépendance envers les marchés et rares sont les États capables de disposer de surplus agricoles exportables. Les jeux de puissance autour de l’alimentation vont donc s’accentuer. L’intérêt de l’étude réside également dans les nombreuses cartographies réalisées, qui permettent d’identifier les points stratégiques actuels et à venir en matière de faim et de pauvreté dans le monde.

Au final, cette nouvelle étude sur la problématique de la faim sonne comme un rappel contemporain à l’analyse prospective livrée en 1951 par l’expert brésilien José De Castro : « Peu de phénomènes ont influé aussi intensément sur le comportement politique des peuples que le phénomène alimentaire et la tragique nécessité de manger ». Ces mots du passé appartiennent malheureusement au futur.

Source : FADER Marianela, GERTENDieter, KRAUSE Michael, LUCHT Wolfgang, CRAMER Wolfgang, « Spatial decoupling of agricultural production and consumption: quantifying dependences of countries on food imports due to domestic land and water constraints », Environmental Research Letter, n° 8, 26 mars 2013. URL : http://iopscience.iop.org/1748-9326/8/1/014046/pdf/1748-9326_8_1_014046.pdf

Voir également : CASTRO José (de), Géopolitique de la faim, Paris : Éd. Ouvrières, 1952 ; ABIS Sébastien et BLANC Pierre, « Agriculture et géopolitique au XXIe siècle : rivalités, stratégies, pouvoirs », Cahier du Club Déméter, n° 13, Paris, Février 2012, p. 11-51.

#Alimentation #Pauvreté